Quatre personnages se réveillent, un jour, sur une scène de théâtre, vierges de toute expérience. Ils n’ont pas de passé, pas d’histoire commune et ne savent pas parler – du moins pas au début.
Toute la pièce, présentée par Halory Goerger et Antoine Defoort au festival d’Avignon en 2013, décrit la façon dont ils vont, petit à petit, se saisir des moyens numériques mis à notre disposition aujourd’hui pour réinventer le théâtre. Il y a presque là une expérience utopique à la Marivaux (on songe à La Dispute, par exemple, dans laquelle les personnages isolent des enfants pour voir comment, une fois devenus adultes, ils vont se comporter en se découvrant les uns les autres) : on observe des êtres qui n’ont aucune connaissance du théâtre et qui vont, au fur et à mesure de la pièce, découvrir ce qu’est un dialogue, une intrigue, une continuité chronologique.
Les quatre comédiens sont très habiles à ce jeu. La première partie de la pièce, notamment, est assez jouissive. Aucun d’entre eux ne parle encore, mais leurs pensées s’affichent sur des écrans situés à l’arrière-plan. Il y a quelque chose de l’ordre de la bande dessinée ou du film muet dans ce dispositif. La différence, c’est qu’ils ne font pas semblant de parler et qu’ils évitent résolument la pantomime. Un froncement de sourcil seulement, le frémissement d’une main, un regard détourné suffisent. Les surtitres nous livrent leur intériorité, parfois en net contraste avec l’image qu’ils renvoient. Antoine Defoort, surtout, parvient avec un naturel confondant, à faire deviner des sentiments très divers tout en gardant une complète retenue.
Le jeu se poursuit. Petit à petit, les comédiens – dont les personnages conservent le prénom – découvrent le micro, la parole, la musique, le chant, l’ordinateur. La révélation de moyens d’expression que nous utilisons sans y penser est jubilatoire. Comme des enfants, les spectateurs s’émerveillent devant les objets que les personnages découvrent progressivement, cachés sous les dalles du sol. On trouve de tout sous la scène de la salle 200 du 104 : un micro, une guitare électrique, des enceintes, un ordinateur, des sapins, un marécage, et surtout, des gravats, des gravats, des gravats…
Le spectacle se termine par une chanson qui récapitule tout ce que les personnages ont découvert depuis le début du spectacle. Les termes principaux abordés sont projetés sur le fond de scène et dessinent une chronologie logique et absurde à la fois. Voix naturelles et voix enregistrées s’entremêlent, la guitare s’accompagne de percussions électroniques variées, les lumières s’affolent et les comédiens s’amusent furieusement.
On sort de se spectacle de belle humeur – d’autant que le 104 est un lieu fascinant et animé – même s’il manque, peut-être, un peu de profondeur à la pièce. On rit beaucoup, comme dans un one-man-show, mais la réflexion métathéâtrale reste, malgré tout, un peu superficielle.
Germinal, d’Halory Goerger et Antoine Defoort.
Mise en scène : Halory Goerger et Antoine Defoort.
Représentation du dimanche 9 mars 2014 à 16h.