Imitation of death ou la provocation de surface

Imitation of death 1

Tout laissait présager un spectacle fort et bouleversant. La bande-annonce en une du site de la MC93 était on ne peut plus alléchante. Le programme distribué avant la représentation aussi. Et pourtant, cela ne marche pas. Pas vraiment.

Les comédiens sont pleins d’énergie, ils courent, s’habillent, se déshabillent, respirent, crient, improvisent, récitent, dansent… Et ça ne marche pas. On a déjà vu des spectacles avec de nombreux acteurs, des spectacles construits sur le principe du cabaret, avec des scènes sans lien apparent qui se succèdent, des spectacles qui dénoncent ou se veulent provocants… Pina Bausch, Falk Richter, Christoph Marthaler excellent dans ce genre. Mais là, ça ne marche pas.

Les premières minutes, pourtant, pouvaient bouleverser. Lorsque les spectateurs pénètrent dans la salle, ils voient, sur la scène déjà illuminée par deux néons verts, des corps allongés qui respirent dans des sacs en papier. Le bruit de la respiration emplit l’espace. Et puis, soudain, les uns après les autres, les comédiens perdent leurs sacs et tressautent, comme s’ils allaient mourir. Sauf que cela dure, dure, et qu’au lieu de cesser de respirer et de ne plus bouger du tout – ce qui aurait produit un effet glaçant -, les personnages, tout en tressautant, se redressent lentement sur leurs talons hauts. Le premier effet est déjà gâché. Le spectacle évoque la mort, mais au lieu d’y être confronté dans sa brutalité, on la tient très éloignée. Les talons hauts prennent toute la place et indiquent que l’on va surtout assister à un show.

Ricci semble sans cesse chercher à provoquer… mais le spectacle n’est pas assez politique pour réellement faire réfléchir. On y trouve, pêle-mêle, une femme indiquer qu’elle a déjà branlé son chien, des couples qui fument et s’envoient les vapeurs de cigarette au visage, des comédiens entièrement nus qui prennent le sexe de l’autre et le font avancer. Rien, dans tout cela, ne met pourtant mal à l’aise ni ne fait songer. On observe une scène après l’autre en se demandant combien de temps la représentation va durer. Parce que, malgré le sujet plus qu’universel – la mort -, le spectacle ne dit rien de nous. Ou pas grand-chose.

Quelques images méritent qu’on s’en souvienne cependant. Comme ce moment où plusieurs comédiens se mettent les uns à la suite des autres et, en rythme sur une musique de variété, avancent lentement à quatre pattes, comme des animaux en partance. Une femme, sur l’avant-scène, tire à intervalles réguliers sur l’un d’entre eux, choisi au hasard. Le comédien blessé tombe et les autres continuent leur chemin. La scène frappe parce qu’elle est profondément métaphorique et évoque la vanité de l’existence, le désir de survivre et le caractère inexorable de la mort.

On sort de ce spectacle un peu assommé – d’autant plus que la bande-son du spectacle est extrêmement forte (on voyait, à la lueur des néons jaunes et verts, plusieurs spectateurs gênés se boucher les oreilles). Curieux phénomène, d’ailleurs : la musique continue avec la même intensité au moment des saluts, si bien qu’une comédienne est obligée de pousser un cri pour que les autres comprennent qu’ils doivent s’incliner. Les spectateurs se demandent d’ailleurs s’ils doivent encore se manifester. Les applaudissements constituent normalement une réponse immédiate et spontanée au spectacle qui vient d’être joué : on remercie les comédiens que l’on a appréciés en essayant de faire le plus de bruit possible ou on applaudit mollement pour montrer que l’on n’est pas très  enthousiaste. Ici, les comédiens sont venus saluer plusieurs fois sans rien savoir de ce que le public avait à leur dire. Où l’on s’aperçoit qu’applaudir au milieu d’une musique assourdissante ne sert à rien.

Imitation of death

Mise en scène de Stefano Ricci.

Chorégraphie : Marco Angililli

Représentation du samedi 23 novembre à la MC 93 (Bobigny).

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