The old woman de Robert Wilson : la beauté du vide

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Robert Wilson, dans The old woman, s’inspire à la fois du cinéma expressionniste, du dessin animé et de la peinture abstraite. Sa pièce est avant tout faite de bruitages et de belles images. Comme dans un cartoon, les images changent au rythme des grincements de la bande son – du début à la fin du spectacle. Ce ne sont pas tant les images qui évoluent, d’ailleurs, que la couleur des objets sur scène. La pièce de Robert Wilson ressemble à un immense tableau d’Andy Warhol : de façon assez fascinante, les fenêtres, les chaises, les avions suspendus aux cintres se modifient d’eux-mêmes, et de blancs deviennent bleus, verts, rouges.

L’aspect cinématographique du spectacle est accentué par le fait que les deux comédiens, Willem Dafoe et Mikhail Baryshnikov, sont sonorisés. Leur voix s’intègrent ainsi parfaitement à la bande-originale qui les accompagne. Elles ne sont pas audibles pour autant. Lorsqu’on est – comme je l’étais – assis au fond de la salle, on ne comprend jamais vraiment qui est en train de parler. Impossible de s’appuyer sur la spatialité du son. Ce n’est pas grave, me direz-vous : au fond, les deux personnages sont peu distincts. Ils incarnent tous deux, la plupart du temps, la figure d’un écrivain qui rêve d’écrire un texte et qui est ennuyé parce qu’une vieille dame – symbolisée par un dentier de farces et attrapes – est venue mourir chez lui. Les mêmes scènes sont répétées, dites tantôt par l’un, tantôt par l’autre… Il n’empêche que cette sonorisation permanente contribue à désincarner le spectacle. Il m’a semblé assister, pendant une heure et demie, à un film lointain privé de gros plans.

Certains critiques ont comparé le spectacle de Robert Wilson aux oeuvres de Beckett. Certes, les deux personnages sur scène, maquillés en blanc comme dans Einstein on the beach, jouent avec l’absurde, répètent les mêmes paroles en boucle et font preuve d’égoïsme et d’insensibilité – mais, contrairement aux figures de Beckett, ils ne nous font pas réfléchir sur l’absurdité de l’existence, sur les rapports de domination, sur la cruauté, sur la condition de l’homme en général. Ils courent surtout le risque de faire naître un immense ennui chez le spectateur. Peut-être est-ce dû à leur gesticulation permanente. La parole n’est jamais posée, mais dite en passant, tandis que les corps s’agitent en dessinant une chorégraphie très précise. Les comédiens, tels deux danseurs de claquette, font des circonvolutions symétriques sur scène. La pensée de l’absurde, chez Beckett, naît de l’immobilité, de l’attente. Les personnages sont bloqués – près d’un arbre, dans une poubelle, dans un lieu qui les enferme et qui fait surgir une parole violente. Chez Robert Wilson, ils bougent, s’agitent, tournent, dansent jusqu’à ce qu’on ne saisisse plus rien de leurs propos et que l’on se dise qu’ils auraient pu tout aussi bien prononcer d’autres mots.

Quelques fragments restent en mémoire cependant. Comme ce passage où l’écrivain indique qu’il voudrait écrire l’histoire de quelqu’un qui serait capable de faire des miracles mais qui, finalement, n’en ferait pas. On ne peut s’empêcher à Robert Wilson lui-même lorsqu’on entend ces mots… La nudité, le vide, qui sont à la base de son esthétique, prennent cette fois-ci tant de place, les rares objets et les écrans en arrière-plan sont tellement modifiés par la couleur, que l’on a du mal à véritablement embrasser le spectacle, et c’est dommage…

The old woman, d’après Daniil Kharms, adaptation de Darryl Pinckney.

Mise en scène : Robert Wilson.

Représentation du dimanche 10 novembre au Théâtre de la Ville.

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